Le terme de réussite scolaire est tellement galvaudé qu’on ne s’interroge pas assez sur ce qu’il signifie vraiment. Votre enfant a-t-il réussi sa sixième ? A-t-il réussi le lycée ? Mais au fait, « réussir sa scolarité », qu’est-ce que cela veut dire ?
Comme le revers d’une médaille, le terme de « réussite » en cache un autre : celui d’échec. D’ailleurs, l’échec scolaire, on se fait tous à peu près une idée claire de ce que cela signifie. Un élève en échec est un élève que Philippe Meirieu appelle « hors-jeu » : il n’est plus en difficulté (les difficultés se résolvent), il est carrément « décroché » du système, sorti de la relation classique et espérée de l’élève à l’institution.
Réussir l’école serait donc :
- en comprendre les règles ;
- jouer le jeu ;
- y gagner quelque chose.
Réussir l’école se résume bien souvent à avoir de bonnes notes
Seulement la note, on lui accorde la valeur que l’on veut ! Enseignante, je me suis aperçue que je cherchais les points dans la conception de mes évaluations, et modifiais mon barème (et donc la valeur de chaque exercice) pour parvenir à cette fameuse note ronde, sur 10 ou sur 20. « La question 2 vaudra 2 points, et la question 3 seulement une… comme ça j’arrive à 20 ». Quand on sait cela… la note de l’élève ne veut plus dire grand chose.
Pensons aussi aux « coefficients » du bac : pour un même effort, on n’obtient pas la même récompense. Un 12/20 coefficient 2 n’a pas la même valeur qu’un 12/20 coefficient 7 : c’est pourtant la même note. Voilà pourquoi je suis passée aux évaluations sur 6, sur 12 ou 27, et aux compétences … Mais mes élèves et leurs parents s’y perdaient un peu…
C’est que les notes sont en réalité un moyen traditionnel et pratique pour comprendre où en est notre enfant. Les établissements qui sont passés à l’évaluation sans notes le savent bien : on ne peut pas supprimer les notes sans accentuer le dialogue avec les parents. Les notes sont toujours considérées comme un moyen de communication entre l’école et la famille, et elles donnent l’illusion d’un traitement égalitaire de tous. Bien des familles comptent sur ces notes pour savoir si l’enfant « réussit » ou non.
Pourtant les notes, on l’aura compris, ne disent pas si l’enfant est « en réussite ». Elles sont seulement un moyen pour nous d’y voir clair dans le « niveau » de l’enfant (par rapport à qui ? à quoi ?), dans son degré d’investissement ou dans ses difficultés. Une note peut se lire de manières différentes. Mais ce qu’une note ne dit pas, c’est si notre enfant a trouvé du sens à ce qu’il a fait, s’il s’est senti bien dans son apprentissage, s’il a su mobiliser des techniques mnémotechniques ou méthodologiques efficaces … Bref la note ne dit pas si l’enfant REUSSIT à être élève.
Le parent redoute les mauvaises notes car il a peur que son enfant soit hors-jeu
Assister à une scène où son enfant est rejeté par les autres enfants, où il s’efface et ne parvient pas à exister, où on le voit souffrir pour être accepté est très difficile à vivre en tant que parent. Je me souviens encore de la rentrée en Angleterre, quand j’ai observé de loin mes enfants seuls dans la cour, isolés par la langue. C’est tellement douloureux quand on est parent de se sentir impuissant. Notre enfant va seul à l’école, et surmonte seul ce rejet. Aussi, quand il reçoit devant tout le monde la copie de maths complètement ratée, et que le professeur fait la petite remarque assassine (peu importe laquelle, toute remarque dans ces situations fait mal), on sait qu’il éprouve une honte. Le seul moyen de l’aider à y échapper : le faire travailler plus à la maison. Au risque de se déchirer.
Je crois qu’à cette peur du rejet s’ajoute inconsciemment la crainte que l’enfant ne trouve pas, plus tard, sa place en tant qu’adulte. On met tellement d’enjeux dans l’école ! Dans une société où les diplômes sont si déterminants, tout parent regarde avec attention la courbe d’apprentissage avec appréhension : jusqu’où ira-t-il ? Voilà pourquoi, dès l’apparition du travail personnel, on devient le « mauvais flic »… malgré les meilleures intentions du monde.
Les parents se sentent jugés dans la façon dont se passe la scolarité de leur enfant
Impossible d’y échapper : la compétition scolaire est réelle. Dès l’entrée en sixième, les enfants apprennent à comparer leurs résultats à ceux des autres. Et quand ils rapportent une note moyenne à la maison, ils nous expliquent que Bidulle ou Untel ont, de toutes façons, obtenu moins. La présentation des relevés de notes sur le bureau numérique nous impose également la comparaison : nous avons la moyenne de la classe, la note la plus basse et la note la plus haute. Quand on voit écrit 19/20 à côté du 13/20 de notre enfant, on SAIT que c’était possible de faire mieux. Cette mesure de l’effort, en points, nous conduit sournoisement à entrer dans le jeu de la concurrence… et à redouter la défaite.
La réussite scolaire chiffrée trahit aussi un besoin du parent d’être reconnu et estimé comme un bon parent : on aime tous être fier de nos enfants, et parfois, comme on aime se reconnaître en eux (« elle a les yeux de papa! »), on se reconnait dans leur réussite. Parfois au contraire, on aime qu’ils réussissent là où nous on avait échoué. Pas de jugement : si on réagit comme cela, c’est qu’on est effectivement jugé dans notre parentalité, et ce depuis les premiers mois (les mamans diront depuis la grossesse!). Alors l’enfant DOIT réussir, sinon c’est le parent qui échoue.
Nos enfants portent donc une lourde responsabilité : réussir à l’école, c’est tout à la fois :
- obtenir de bons résultats ;
- être intégré ;
- rendre fier ses parents.
Que c’est compliqué ! Et comme tout ceci n’importe que si l’enfant se sent bien, se sent progresser, prend plaisir à apprendre !
Réussir à l’école, c’est s’y épanouir…
… comme une fleur qui pousse, comme un arbre qui grandit. L’élève pour réussir a besoin de se sentir bien. Il lui faut de la confiance, de l’amour, et de l’envie. La vraie réussite scolaire ne peut avoir lieu sans ces facteurs psychologiques, et c’est là que nous, parents, nous avons un vrai et noble rôle à jouer. Plus nous aurons à coeur que notre enfant prenne plaisir à apprendre, soit fier de progresser et trouve du sens à ce qu’il fait, plus notre enfant réussira sa scolarité.
Comment aider notre enfant :
- à apprendre avec joie ?
- à se sentir motivé et confiant à l’école comme à la maison ?
Après le goûter … on renforce ce que Céline Alvarez appelle les « compétences exécutives » , ce qu’on appelle communément le « apprendre à apprendre« . Il s’agit de la méthodologie, des techniques de mémorisation, mais aussi du rapport de l’enfant au travail scolaire : pugnacité, détermination, courage …
Après le goûter, on intervient comme un pompier après une dure journée, comme un coach quand il y a une évaluation à préparer, comme un membre honoraire de la communauté des anciens élèves qui vient féliciter l’enfant pour les efforts accomplis.
C’est tout l’objet de ce blog. Internet regorge de conseils pour les parents de petits enfants. On a certes beaucoup progressé en matière de parentalité. Mais pour ce qui se passe à l’école, c’est plus complexe. Comme on n’y est pas, on croit qu’on n’y peut rien. Qu’il faut que l’enfant devienne miraculeusement autonome et solide pour affronter le collège et le lycée. Il y a pourtant un moment où nous, parents, pouvons agir concrètement : le moment des devoirs !
La réussite ne se chiffre pas. Elle n’attend pas non plus la fin des études pour être déterminée. On peut voir la réussite de notre enfant dans sa manière de vivre sa scolarité. Un élève qui réussit est un élève qui trouve du sens et du plaisir à apprendre, envisage l’avenir avec confiance, et vit sereinement sa vie d’ado.
Ce blog est le fruit d’une longue réflexion sur la question des devoirs, et je le souhaite aussi utile que possible pour vous accompagner, parents, dans votre rôle de parent d’élève. J’ai envie de partager ma connaissance du système « de l’intérieur » pour vous donner des clefs dans votre approche des devoirs. N’hésitez pas à partager mes articles et à me contacter pour m’exprimer vos besoins.